Quand on s'intéresse à la compagnie du Midi, il faut être un peu bricoleur. Voyons comment fabriquer un branchement simple typique du Midi à partir de pièces C+L.
Tout d'abord, un peu de vocabulaire. Le terme "aiguillage" signifie en réalité le fait d'aiguiller. Mais par
extension il a pris la place dans le langage courant du terme exact "appareil de voie". Il existe une grande variété d'appareils de voie, le plus simple étant le banchement... simple. Une voie
qui se sépare en deux.
Mais vu de près, ce n'est plus si simple. Le schéma ci-dessous vous aidera à bien discerner les différents
constituants:
Sur le Midi, le rail est de type à double champignon. Il est fixé aux traverses par l'intermédiaire de coussinets
en fonte sur lesquels il est solidement calé à l'aide d'un coin. On trouve de tels coussinets en Angleterre chez C+L Finescale. Ils
vendent des kits complets d'appareils de voie, avec les tronçons de rails découpés et usinés ou seulement les coussinets. Pour un appareil Midi, il ne faut prendre que les coussinets: Point Kits 4mm, 3 bolt chairs. Les rails sont vendus à part (4mm rail, HiNin/silver Code
75 b/head). 4mm veut dire 4mm/pied, c'est l'échelle 1/76ème, très pratiquée outre-Manche. Les coussinets ne sont donc pas au 1/87 ème, mais on s'en contentera puisqu'il n'existe rien d'autre.
Le kit contient des traverses en plastique. Je leur préfère des traverses en vrai bois, le rendu est bien meilleur! Le collage des coussinets en plastique sur le bois étant fait avec une goutte
d'Acétone, c'est très solide.
Tout d'abord, munissons nous d'un plan. Le mien provient du Mémento des poseurs de voies de la Compagnie du
Midi, édition de 1910.
Les appareils de voie les plus courants présentent une agle de déviation tangente de 0,13 (7,4°), 0,11 (6,2°) ou 0,09 (5,1°). Mais leur reproduction en miniature est gourmande en place, un
branchement simple en tg 0,13 mesure plus de 30 cm de long!! Pourtant, dans la réalité, c'est tellement court que les trains ne les franchissement pas à plus de 30 km/h.
Branchement simple à tg 0,13 en rail à double champignon, à Sarrancolin (65). On voit bien les coussinets en
fonte vissés dans les traverses avec des tirefonds et les coins métalliques permettant de fixer le rail.
Cliquer pour agrandir.
Manquant de place sur mon réseau, l'angle de déviation doit être assez serré. Je décide d'extrapoler un branchement simple symétrique à partir d'un branchement triple auquel j'aurai enlevé la voie du milieu:
Branchement triple Midi (extrait du Mémento des poseurs de voie, 1910)
Branchement simple extrapolé. N'hésitez pas à le télécharger si vous voulez vous lancer vous aussi!
La construction
Le plan est imprimé en taille réelle sur du papier ordinaire. Ensuite, j'y colle un morceau d'adhésif double face translucide de manière à voir le plan au travers.
Les traverses sont débitées dans de la baguette de 3x2mm en bois dur. On peut utiliser du peuplier, j'ai pris de l'acajou que j'avais en stock. (J'avais aussi un reste de baguettes de 4x3mm que j'ai utilisées ici, elles sont plus claires sur les photos.)
Une fois coupées à la bonne longueur, les traverses sont collées sur plan.
Le cœur
C'est à ce moment là que les choses sérieuses commencent. La partie la plus délicate de l'appareil est le cœur.
De sa bonne construction dépendra le bon passage des roues.
Je me suis construit un gabarit qui me permet de souder les rails formant la pointe, préalablement usinés à la lime.
Gabarit en aluminim
Ensuite, les pattes de lièvre sont rapportées.
Dessus
Dessous
Quatre languettes de laiton permettent de solidariser l'ensemble. Elles doivent être assez épaisses pour surélever le rail au
dessus des traverses. Les autres rails étant maintenus par les coussinets un peu épais, la hauteur du plan de roulement doit être identique.
Pensez à utiliser des bouchons en liège pour tenir les pièces durant la soudure, ça chauffe vite et fort!
Le coeur est collé en place à la colle cyanoacrylate.
Le reste des rails sera posé en rapport au cœur.
Les rails extérieurs
Le premier rail extérieur est usiné au niveau du contre-aiguille pour que la lame, elle aussi usinée, vienne se plaquer parfaitement. Ici, l'observation de lames réelles est indispensable pour obtenir la bonne forme.
Le rail reçoit ensuite ses coussinets puis est posé de manière à respecter l'écartement de 16,5mm entre les faces internes des rails. Les coussinets sont collés sur les traverses avec de l'acétone.
Le gabarit est usiné dans une pièce d'aluminium. Il permet de respecter l'écartement des rails de 16,5mm et la lacune des contre-rails de 1,1mm.
Au niveau du contre aiguille, le rail est posé sur des coussinets de glissement permettant le libre débattement des lames.
Le premier rail est désormais posé
Le deuxième rail est posé de la même manière, en faisant attention à l'écartement au niveau du cœur et aussi de la pointe. Il manque les coussinets de glissement sur la photo.
La pose des lames
J'ai commencé par coller le coussinet avant le pivot sur la traverse restée libre, en m'aidant du gabarit. Ensuite, j'ai collés les autres coussinets en prenant garde de ne pas mettre le rail de la lame en contact avec le cœur pour éviter de futurs courts circuits.
La lame doit reposer sur les coussinets de glissement. J'ai utilisé la flexibilité du rail pour faire le pivot, mais on peut aussi couper le rail et relier les deux parties par un fil en laiton, ça sera plus souple.
La lame doit venir s'imbriquer parfaitement dans le contre aiguille pour limiter les chocs au passage des roues.
La deuxième lame est posée de la même façon.
Il faut alors installer les contre rails. Il permettent aux essieux de ne pas se tromper de côté au niveau de la lacune devant la pointe du cœur. Le gabarit permet de régler l'écartement de 1,1mm.
Les lames doivent être reliées mécaniquement. Quand l'une est collée, l'autre doit s'écarter pour diriger les roues soit vers la droite, soit vers la gauche. En réalité, ce sont deux tringles qui sont utilisées, comme ici, à Marignac (31):
J'utilise pour ça une traverse mobile en époxy cuivré, matériau ordinairement utilisé pour les circuits imprimés électroniques. Les lames sont soudées de part et d'autre de la traverse en prenant
soin de les isoler électriquement.
La traverse doit bouger librement.
La traverse mobile est visible entre les 2ème et 3ème traverses en bois. La lame de droite est appuyée sur le contre aiguille tandis que la lame de gauche est écartée. On dit que l'aiguille colle à droite. Donc les trains partiront à gauche...
Le câblage
Selon la direction donnée, le cœur est franchi soit par la roue droite, soit par la roue gauche. Pour assurer la continuité électrique qui permettra même aux engins courts de franchir le branchement sans s'arrêter, le cœur devra être raccordé soir au rail droit, soit au rail gauche selon le schéma ci-dessous. L'inversion de courant se fera grâce à un contact branché sur le moteur de manœuvre des lames.
Un pontage réalisé en fil de cuivre permet de relier électriquement le rail extérieur au rail intérieur
L'installation sur le réseau
L'appareil de voie est désormais terminé, il peut être posé sur le réseau. Le flanc des rails est peint couleur
rouille et les traverses sont patinées en fonction du trafic qu'elles verront passer.
Une fois l'appareil en place, le système de motorisation peut être fixé sous le plateau du réseau. Au niveau des lames, il faut aussi prévoir l'emplacement du levier de commande.
Le réseau est terminé, les trains peuvent circuler normalement sur le nouveau branchement.